Avant tout, je me dois de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette année 2023… Je vous souhaite le meilleur dans ce que vous entreprenez et surtout la santé, sans laquelle nous ne sommes que peu de chose ;-)
Vous êtes de plus en plus nombreux à être abonnés à cette newsletter, alors pour ceux qui prennent le wagon en marche, sachez qu’elle est très différente des articles du blog. En fait elle m’est inspirée par un commentaire étonnant sur les réseaux sociaux, une expression que j’entends dans la rue,… Pour cette 6ème newsletter, le sujet vient d’une amie, pas particulièrement fan d’art urbain mais qui suit par curiosité mon blog. Elle me glisse dans une discussion « plus je lis tes articles, plus j’ai la sensation d’en apprendre sur les gens qui vivent autour des œuvres. J’ai parfois l’impression de redécouvrir une ville que je croyais connaître. »
Je ne vais pas vous cacher que le sujet est vaste et qu’il y a évidemment très souvent un lien entre l’histoire d’une ville, son activité principale, sa population et les œuvres que l’on retrouve sur les murs… que celles-ci soient légales ou pas ! Il arrive aussi, que parfois, aucun lien ne puisse s’entrevoir. Je vais donc essayer, de la façon la plus synthétique qui soit, de vous donner quelques pistes par l’exemple qui devraient vous faire regarder ces œuvres urbaines avec un autre œil : celui du questionnement !
L’art urbain miroir de notre société ?
C’est étonnant à quel point on peut ressentir une ville à travers ses œuvres de rues. L’exemple le plus criant est celui de Boulogne-sur-mer. Sans m’être renseignée sur la ville, en découvrant les premières œuvres, j’ai compris que la pêche y était l’économie la plus importante, que le métier de pêcheur était harassant et peu rémunérateur et que cette côte d’opale avait été inspirante pour de grands artistes de la peinture contemporaine. Il faut dire que la curation –comprendre direction artistique- a été faite de main de maitre par Amziane Abid. Les artistes s’expriment par leur technique et leur stylistique et le curateur définit la thématique du projet ; ce qui donne un ensemble cohérent où l’art mural est un prolongement de l’histoire et de la vie locale.
Au contraire lorsque l’on se promène dans Paris à la découverte de Boulevard Paris 13, les œuvres, plus étonnantes les unes que les autres, n’ont que peu de lien avec l’histoire de la ville ou encore la vie de ce quartier. Les artistes de la galerie Itinérance, à l’origine du projet, sont exposés à grande échelle sur les murs du quartier et ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Maye et son flamand rose nous rappelle la région de l’artiste, Add Fuel avec ses azuleros, son pays,… ainsi de suite. Il n’y a pas de fil conducteur, aucune ligne éditoriale et la Marianne réalisée par Shepard Fairey paraît bien seule représentante de notre pays et pas vraiment de la capitale.
En revanche lorsque l’on se dirige vers le Nord de Paris, les œuvres deviennent plus engagées. Des collectifs d’artistes comme les Black Lines Community ou encore des artistes comme PBoy, vont exprimer la voix du peuple de ces quartiers populaires. Ils n’hésitent pas dans leurs œuvres à éborgner les politiques ou encore mettre en avant les gros scandales de notre époque. Là, pour le coup, l’art urbain est à l’image de la gronde qui règne dans une société en souffrance, il fait écho aux problèmes que rencontre le peuple et donne à voir ce que l’on montre peu de notre société. Un miroir un peu terne mais un réel miroir !
Les nouveaux Festivals d’art urbain ont désormais tendance à essayer de faire en sorte d’avoir une ligne éditoriale qui soit en résonance avec la ville dans laquelle les œuvres sont implantées. Ils ne demandent pas aux artistes de trahir ce qu’ils sont, mais de faire une interprétation personnelle de la thématique imposée. Certaines villes comme Dax dans les Landes s’en sortent très bien. La thématique de l’eau de cette ville thermale a été travaillée par des artistes d’horizons complètement différents, mais vient à chaque coin de rue nous rappeler sur quoi a été construit la ville, son économie et ses emplois. Ces interprétations multiples offrent à l’ensemble une certaine douceur.
D’une façon beaucoup plus nuancée, délicate et variée c’est à Port de Bouc dans le Sud de la France qu’il devient intéressant d’étudier chaque œuvre dans son environnement. Les artistes se sont attachés aux habitants, aux mœurs (la sieste, les terrasses de café, …) à la vie de quartier,… Et ils ont avec beaucoup d’humanité traduit le ressenti des lieux en nous racontant des histoires au travers d’œuvres hautement figuratives. Le lien entre ces œuvres est donc la narration et la douceur de vivre qui vient en opposition aux difficultés que la ville rencontre pour survivre.
Si l’on s’éloigne de la France et que l’on part au Mexique ; on se rend compte que la question que je pose en début de Newsletter est une affirmation. Oui au Mexique l’art urbain c’est LA société ! L’histoire du Mexique est inscrite sur leur mur, la révolution, les zapatistes… Les œuvres urbaines reprennent comme image de fond les motifs des textiles de tribus anciennes, Les masques anciens et tribaux sont représentés dans presque toutes les œuvres. Les métiers des échoppes sont peints sur leurs devantures, tout comme les propriétaires des maisons. Il n’y a pas un village qui échappe à la peinture urbaine qui est depuis le muralisme, une tradition.
En fait plus je découvre de nouveaux lieux, plus je suis sensible à cet écho entre la ville, ses habitants et l’œuvre. Je me dis aussi que j’ai parfois manqué d’analyse dans mes balades street art et en même temps je trouve qu’il est important de laisser une porte ouverte à l’imagination. Je me rends aussi compte que les artistes locaux sont plus sensibles que les artistes internationaux à cet engagement. Je trouve que les « Festivals » qui arrivent à infuser une ligne éditoriale sans non plus la rendre trop rigide offrent des œuvres avec beaucoup plus de sens et de profondeur que les autres. En revanche, poussé aux extrêmes, la ligne éditoriale, comme c’est le cas à Milan dans le quartier de L’Ortica peut devenir angoissante et presque propagandiste !
Il est difficile de conclure en répondant d’une façon définitive à cette question ; mais force est de constater que les artistes locaux et graffeurs parlent plus de leur environnement et s’adaptent plus aux histoires de la ville et des habitants que les grands artistes qui ont une image et donc une « côte » à défendre. J’attacherai dans mes prochaines balades une plus grande importance à ce vaste sujet. Promis !
Rétrospective 2022, ce qu’il m’en reste !
Comme chaque année je me suis exercée à répertorier les 20 œuvres les plus aimées par les passionnés qui me suivent sur Instagran. Mais c’est le choix des internautes. Ce qu’il me reste de cette année Street Art 2022, mes moments forts sont au final assez intimistes. Je n’ai pas eu de coup de cœur pour des œuvres monumentales, ni pour des villes réalisant des musées à ciel ouvert avec une multitude d’artistes internationaux. Je me suis plutôt laissée emporter par de jolies rencontres, des lieux cachés, … Ma découverte la plus saisissante fut les 52 cercles dans un parking vide fermé au public ; il faut dire que ce parking avait une résonnance particulière dans mon histoire…
Et puis il y a aussi ces jeunes et moins jeunes artistes qui ont émergés et se sont fait connaître lors d’un « happening » dans un hôtel Parisien désaffecté « Les 25 au 104 ». Je me surprend désormais à suivre avec passion leurs carrières et à retrouver leurs œuvres à la Butte aux Cailles, au Spot 13 ou encore récemment dans le Tunnel des Tuileries.
Bientôt sur le blog !
Je vous ai promis une critique mensuelle d’ouvrage Street Art, et ce sera fait ! Trop d’ouvrages sont publiées chaque année et je ne fais pas systématiquement les bons choix. Si je peux arriver à tout simplement vous aiguiller en vous parlant de ceux-ci : choix du sujet, qualité des textes, des images ; ce sera déjà ça de gagné ! Et puis je dois vous avouer que je commence à prendre un malin plaisir à décortiquer ces livres !
J’ai décidé de continuer mes explorations locales dans des petites ou moyennes villes de France pour mettre en avant nos artistes locaux qui sont souvent oubliés par la presse spécialisée. Mais évidemment comme nous pouvons désormais voyager en toute quiétude je vais reprendre mes pérégrinations étrangères et dans les prochains mois vous découvrirez l’art urbain à la Seyne-sur-Mer, Nîmes, Montpellier et aussi Porto et qui sait peut-être encore une fois du côté de l’Italie ! Et pour ceux qui aiment les lieux cachés, je vous ai prévu deux surprises de taille ! chuuut…
Ça y est, vous êtes arrivés à la fin de cette Newsletter. Et j’espère sincèrement que vous aurez trouvé une information à votre goût !
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un excellent week-end et vous dire à très bientôt pour de nouvelles aventures Street Art.
Séverine
Bravo Séverine !
Merci pour cette excellente Newsletter et tous tes partages. Peut-être un jour un petit reportage sur la ville de Cergy où l’art urbain est assez important. Notamment grâce à l’association Art Osons et son festival Caps Attack 👌🏻